Douze titres de la presse spécialisée ont adressé ce 1er septembre une lettre à la ministre de la Culture et au président du CNC pour les alerter de l’urgence économique que connaît leur secteur, assommé par l’augmentation du coût du papier.
Chacun affrontait la crise dans son coin (et le nez dans le guidon), jusqu’à ce qu’Emmanuelle Spadacenta, cofondatrice et rédactrice en cheffe du mensuel Cinémateaser, créé en 2011 et connu pour ses interviews en majesté, suggère l’union qui fait la force. Douze magazines cinéma indépendants ont ainsi cosigné, jeudi 1er septembre 2022, une lettre destinée à la ministre de la Culture, Rima Abdul-Malak, et à Dominique Boutonnat, président du Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC), pour les alerter sur « l’urgence financière et économique » que traverse un secteur déjà durement éprouvé par le Covid et aujourd’hui assommé par l’augmentation sans précédent du coût du papier (lire la lettre ci-dessous).
Parmi les signataires, de jeunes titres (Revus & corrigés, La Septième Obsession, FrenchMania, Sorociné…), des anciens (Mad Movies) et des institutions (Les Cahiers du cinéma, Positif). S’ils diffèrent en presque tout – périodicité, ligne éditoriale, tirage… –, ils ont en commun de vivre de leurs ventes et de leurs revenus publicitaires. Et ils aimeraient (et nous avec) que ça continue. Eugénie Filho, directrice de publication de Revus & corrigés, un trimestriel qui traite depuis quatre ans des films de patrimoine et tire entre 2 000 et 3 000 exemplaires, sait que le papier du prochain numéro lui sera facturé deux fois plus cher que le précédent. « En six mois, on a dû revoir deux fois la qualité du papier à la baisse, regrette pour sa part Emmanuelle Spadacenta, et le Cinemateaser de septembre fait 100 pages au lieu de 116. »
“La presse écrite, ça reste, ça marque dans le temps et ça s’inscrit dans une histoire de la critique, c’est important.”
« Quel avenir pour la presse indépendante cinéma ? » s’inquiètent donc en chœur ces professionnels, pour qui l’aide allouée par le CNC depuis trois ans, si elle a clairement le mérite d’exister, ne reflète pas la réalité de leur contribution à l’écosystème du septième art : en 2021, elle se limitait à 64 000 euros répartis entre treize titres, quand la création vidéo bénéficie de « plusieurs centaines de milliers d’euros ». « Or, pendant le Covid, quand tout était fermé on a tenu bon et on a aussi participé à ce que le cinéma ne disparaisse pas totalement, rappelle Emmanuelle Spadacenta. On fait partie de l’industrie culturelle. Tous ensemble, on fait le taf : la France reste un pays qui pense le cinéma. »
La crise du papier, que vient à présent aggraver la guerre du gaz, n’est pas près de finir. « Qui peut survivre quand le papier devient aussi cher, et que tout part dans le carton et le papier toilette ? » s’alarme la journaliste. «Certains parmi nous ont les reins plus solides mais on essaie vraiment d’avancer tous ensemble pour obtenir davantage de considération. Au-delà de l’aspect financier, c’est presque philosophique : on se sent complètement lâchés ! » Pourquoi s’acharner, à l’ère des chaînes YouTube et des podcasts ? « La presse écrite, ça reste, ça marque dans le temps et ça s’inscrit dans une histoire de la critique, c’est important» conclut Eugénie Filho. « Tous les cinéphiles ne lisent pas, certes, mais beaucoup continuent et, surtout, peut-être que d’autres s’y mettront plus tard. Nouveautés et classiques, on peut voir presque tous les films du monde en France, et on veut mettre cette richesse dans nos pages. Et que d’autres revues se lancent encore après nous. »
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