La demande d’autorisation à la Cnil de ce vaste projet de centralisation des données de santé à des fins de recherche n’a pas été renouvelée, en accord avec le ministère de la Santé. L’initiative fait planer un doute sur l’avenir de cette plateforme qui fait polémique depuis sa création.
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Devant les bâtiment de la CNIL. Le projet du Health data hub CONSISTE À STOCKER LES DONNÉES DE SANTÉ À DES FINS DE RECHERCHE SCIENTIFIQUE. LIONEL BONAVENTURE / AFP
La nouvelle est tombée avec un tweet du collectif InterHop, réunissant des spécialistes en informatique médicale dans les CHU : le Health Data Hub retire sa demande d’autorisation à la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil). Une autorisation nécessaire dans la mesure où ce projet, mis en place en avril 2020, plus tôt que prévu en raison de la pandémie de Covid-19, consiste à stocker les données de santé à des fins de recherche scientifique (sur des traitements, des effets secondaires, maladies, des corrélations…). En l’occurrence, le Health Data Hub (plateforme de données de santé, en bon français) devait héberger le Système national de données de santé (SNDS), géré par la Caisse nationale d’assurance maladie.
Ce retrait est officiellement temporaire, opéré en accord avec le ministère de la Santé. Sa directrice Stéphanie Combes a tenu a précisé, sur Twitter, que “le Health Data Hub est parfaitement vivant”. “La plateforme est mise en pause mais existe toujours juridiquement”, confirme le député Philippe Latombe, rapporteur en 2021 de la mission d’information “Bâtir et promouvoir une souveraineté numérique nationale et européenne” où il avait été largement question de la plateforme. “Seulement, le Health Data Hub ne bascule pas du mode prototype au mode série. Il ne pourra servir qu’à des projets très précis pour lequel il faudra redemander une autorisation à la Cnil dès que l’on voudra modifier quelque chose”.
Sacrifié sur l’autel de la campagne présidentielle
Pour l’élu, le projet a été temporairement sacrifié sur l’autel de la campagne présidentielle : dans un contexte de pandémie où la vaccination, l’application mobile TousAntiCovid ou le passe sanitaire puis vaccinal nourrissent des contestations, il s’agirait d’éviter que le Health Data Hub ne serve d’arme politique aux uns et aux autres. Une appréciation de la situation partagée par l’avocate de l’association InterHop Juliette Alibert, qui voit là “un sujet explosif”.
Issu du rapport Villani sur l’intelligence artificielle en mars 2019, le Health Data Hub était chahuté. Le retrait de cette demande d’autorisation à la Cnil intervient alors que l’arrêté définissant quelles bases de données, outre le SNDS, seront versées au Health Data Hub n’est toujours pas paru. Surtout, l’hébergement a été la source d’une polémique qui n’a pas joué en faveur du projet : le cloud de Microsoft, Azure a été choisi par le gouvernement, avec des incertitudes sur ce que le géant américain se réservait de faire avec ces données et leur possible transfert vers les Etats-Unis.
Suite à une saisine par un collectif d’associations en septembre 2020, dont faisait partie InterHop, le Conseil d’Etat a reconnu le manque de garantie face à ce risque en octobre 2020, sans toutefois suspendre le projet ni remettre en cause le choix d’un prestataire américain de droit américain. Le secrétariat d’Etat au numérique et le ministère de la santé ont cependant fini par annoncer vouloir rompre le contrat avec Microsoft pour recourir à un prestataire européen, comme le recommandait la Cnil.
Un projet mis en route “à marche forcée”
Pour Philippe Latombe, la mise en pause de ce qui reste selon lui un “très bon projet” n’est peut-être pas une mauvaise chose. “Il a été mis en route à marche forcée, mieux valait poser un peu les choses pour le repenser”. Le changement de prestataire d’hébergement promis n’a toujours pas avancé et l’une des possibles solutions alternatives, le cloud français Bleu de Cap Gemini et Orange, n’est pas prêt.
Du côté des experts en informatique médicale d’InterHop, le problème va plus loin que l’hébergement par Microsoft. La centralisation serait une impasse technique. “Avant de pouvoir centraliser et faire tourner des algorithmes sur des données qui proviendraient de toute la France, il faut d’abord pouvoir standardiser ces mêmes données et bénéficier de la connaissance locale des datascientists, des cliniciens de chaque CHU pour comprendre comment elles ont été produites” explique Antoine Lamer, membre de l’association et datascientist au CHU de Lille. Les CHU membres de l’association partagent des outils informatiques open source leur permettent de garder les données où elles sont tout en les structurant de manière homogène. Avant la mise en pause du Health Data Hub, un recours contre le décret de sa mise en application avait été déposé auprès du Conseil d’Etat.
Source : sciencesetavenir.fr, CNIL, Conseil d’Etat.